La loi PACTE (loi n°2019-486, intitulée « Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises »), qui a été définitivement adoptée le 11 avril 2019, et promulguée le 22 Mai 2019, apporte de profondes modifications au Code de la Propriété Intellectuelle (CPI).
Activité inventive, condition sine qua non pour l’obtention d’un brevet français
La procédure d’examen d’une demande de brevet français conditionnera désormais la délivrance du brevet à un examen approfondi de l’activité inventive par l’INPI (révision de l’Article L612-12 du CPI) – exercice jusque-là réservé aux Tribunaux.
Il sera donc plus difficile d’obtenir un brevet (jusqu’à maintenant accordé dès le critère de nouveauté satisfait). En contrepartie, les risques d’invalidité en cas d’action en nullité devant les tribunaux devraient s’en trouver réduits.
Ce dispositif entrera en vigueur le 22 mai 2020, et uniquement pour les demandes de brevet déposées à compter de cette date.
En pratique, la qualité de l’examen dépendra certainement des ressources financières qui seront allouées à l’INPI pour engager et former ses examinateurs.
Création d’une procédure d’opposition devant l’INPI
Toujours dans l’esprit de renforcer la solidité des brevets, une procédure d’opposition est introduite (Article 121 de la loi PACTE). Celle-ci aura pour but de permettre aux tiers de requérir la révocation ou la modification d’un brevet à moindre coût, directement auprès de l’INPI, procédure qui n’était possible à ce jour qu’auprès d’un Tribunal.
L’entrée en vigueur de ce dispositif n’est pas attendue avant fin 2020, car elle est soumise à une ordonnance gouvernementale.
Les modalités exactes (délai, taxes, instance de recours, etc) restent encore à définir.
Prolongation de la durée du certificat d’utilité
Le certificat d’utilité offre une alternative intéressante au brevet pour protéger des inventions ayant une durée de vie sur le marché assez réduite. En effet, il permet, après une procédure simplifiée et à moindres frais – puisqu’il n’est soumis à aucun examen – d’obtenir un titre de protection valable pendant une durée qui est actuellement de 6 ans à compter du dépôt de la demande.
L’Article 118 de la loi PACTE prévoit deux modifications majeures du certificat d’utilité :
– d’une part, sa durée est portée à 10 ans, et
– d’autre part, il peut être transformé en brevet (qui offre, lui, une protection d’une durée de 20 ans), dans un délai et selon une procédure qui seront précisés par voie réglementaire, alors que seule la transformation inverse était possible jusqu’à présent.
Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 31 mai 2020. Il deviendra ainsi possible pour les entreprises de moduler la durée de leurs titres de protection en fonction de la stratégie PI de l’entreprise.
Le certificat d’utilité devrait s’avérer d’autant plus attractif que les conditions de délivrance des brevets se trouvent parallèlement durcies (voir ci-dessus). Il peut en effet permettre d’obtenir une protection pour des innovations de faible niveau inventif et constituer ainsi une arme dissuasive pour se prémunir des contrefaçons.
Actuellement boudé par les entreprises, le certificat d’utilité pourrait donc voir sa popularité s’accroître pour se rapprocher de celle des modèles d’utilité allemands ou chinois, par exemple, qui ont également une durée de 10 ans.
Modification des délais de prescription
La loi PACTE s’intéresse également aux délais de prescription, tant pour le titulaire d’un brevet désirant agir en contrefaçon, que pour un tiers souhaitant requérir la nullité d’un brevet.
Actuellement, les actions en contrefaçon d’un brevet sont prescrites par 5 ans « à compter des faits qui en sont la cause ». La loi PACTE modifie le point de départ de ce délai, en disposant que les actions en contrefaçon sont prescrites par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître le dernier fait lui permettant de l’exercer ». Cette notion semble ajouter plus d’incertitude, et il est à prévoir que la jurisprudence s’en empare.
Un débat jurisprudentiel nourri1 existait d’ailleurs sur la prescription qui pourrait restreindre le droit des tiers intéressés de requérir la nullité d’un brevet : devait-on appliquer le délai de 5 ans du Code Civil ? A compter de quelle date ? La date de publication de la demande de brevet ? Sa date de délivrance ? La date à laquelle le tiers aurait dû connaître l’existence du brevet ? Sur ce point en revanche, la loi PACTE est claire, précisant que l’action en nullité n’est soumise à aucun délai de prescription.
En durcissant les conditions de délivrance des brevets par l’INPI, la loi PACTE va imposer un changement dans les pratiques et les choix stratégiques. Selon l’invention à protéger, les entreprises auront le choix des armes : brevet français délivré par l’INPI, brevet européen délivré par l’OEB, et/ou certificat d’utilité ?
1 Voir notre lettre d’information d’avril 2017, par Emmanuelle Renard, Becker et Associés « L’action en nullité d’un brevet : prescrire ou ne pas prescrire ? »
Emmanuelle RENARD et Emmanuelle GROT